mars 2008, par Dominique BARBIER
C.A.T.I.E. (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness) est une étude nord-américaine indépendante de l’industrie pharmaceutique, instaurée sous l’égide du N.I.M.H. (National Institute of Mental Health). Cordonnée par le Pr Jeffrey Lieberman, ele avait pour but de comparer l’efficience (effectiveness) des antipsychotiques de nouvele génération et cele d’un antipsychotique classique proche de la chlorpromazine : la perphénazine, chez les patients atteints de schizophrénie chronique. Cette étude clinique naturalistique de grande envergure, randomisée, contrôlée en double aveugle a été réalisée dans une cinquantaine de centres hospitaliers ou de cliniques aux U.S.A. Ele porte sur 1493 patients, comporte différentes phases. Les premiers résultats ont été publiés dans the New England Journal of Medicine, vol. 353, n° 12, 22 septembre 2005.
Pourquoi C.A.T.I.E. ? Parce que depuis l’arrivée sur le marché de la clozapine en 1990, de nouveaux antipsychotiques de 2e génération ont été mis à la disposition des psychiatres. Se posaient alors 3 questions, que l’étude C.A.T.I.E. a cherché à résoudre :
1- les antipsychotiques de 2e génération ont-ils un effet supérieur aux antipsychotiques classiques ?
2- quel est le résultat de la comparaison des antipsychotiques entre eux ?
3- les antipsychotiques de 2e génération présentent-ils, du point de vue économique, une rentabilité ?
Considérant que l’arrêt de traitement pour un patient atteint de schizophrénie s’accompagne la plupart du temps d’une réhospitalisation qui majore le coût de la prise en charge, les auteurs ont souhaité se pencher sur l’efficience des antipsychotiques chez des patients schizophrènes des deux sexes, âgés de 18 à 65 ans, suivis sur une période de 18 mois.
Cette étude originale à plus d’un titre, implique, au préalable plusieurs remarques :
1- elle n’a exclu aucun patient (tableau 1), hormis ceux résistants au traitement (pour des raisons éthiques) et ceux qui présentaient un premier épisode, (dont on ne pouvait pas formellement affirmer une schizophrénie).
Elle se rapproche ainsi des conditions de vie courante des populations étudiées, c’est pourquoi on la dit naturalistique. Ses conclusions sont donc directement utilisables par le psychiatre en pratique courante - par opposition aux essais cliniques qui comportent des critères d’exclusion ne reflétant pas l’exercice clinique quotidien.
2- elle a duré 18 mois, ce qui apporte un recul important sur les effets du traitement et a permis d’approcher au mieux la notion d’efficience qui intègre le facteur temps.
3- les posologies étaient, comme dans la vie courante, laissées à la libre appréciation du prescripteur.
4- les patients pouvaient être inclus, après une nouvelle randomisation dans la 2e ou la 3e phase de l’étude, comme lorsqu’un praticien décide de changer le traitement pour un de ses patients.
Un critère simple : l’arrêt du traitement quelle qu’en soit la raison
L’étude C.A.T.I.E. est une étude indépendante en double aveugle réalisée aux U.S.A. dans une cinquantaine de centres hospitaliers et de cliniques qui avait pour but de comparer l’efficacité des antipsychotiques de deuxième génération aux antipsychotiques classiques. Elle comprend 3 phases. Les résultats de la phase I ont été publiés en 2005 dans le « New England Journal of Medecine ». 1493 patients souffrant de schizophrénie ont été inclus. Le critère principal retenu était l’arrêt du traitement quelle qu’en soit la raison. Cette décision fait intervenir à la fois l’avis du prescripteur par rapport à l’efficacité, la sécurité d’emploi et la tolérance, mais aussi celui du patient visà-vis des effets indésirables qu’il signale. Cette étude est donc centrée sur une mesure globale de l’efficience. Le 2e critère était de quantifier les raisons spécifiques d’un arrêt de traitement, notamment un syndrome extrapyramidal, une sédation, une prise de poids ou une inefficacité thérapeutique. Par ailleurs les investigateurs ont eu recours à deux échelles : Clinical Global Impression (C.G.I.) et Positive And Negative Syndrome Scale (P.A.N.S.S.).
L’efficience : un concept difficile à appréhender
C’est un concept difficile à appréhender qui inclut la sécurité d’emploi, la tolérance en situation réelle de soins et la mesure de l’efficacité. Cliniquement, les auteurs s’accordent pour considérer qu’un des moyens de l’appréhender est de mesurer la durée du traitement (quelle que soit la cause de l’arrêt) ou le taux d’arrêt (pourcentage de patients qui arrêtent leur traitement sur une période prédéfinie). La notion d’efficience intègre des notions cliniques mais aussi économiques et se fonde à la fois sur le constat du médecin et l’avis subjectif du patient.
Nous sommes face à beaucoup plus qu’un simple glissement sémantique. Il s’agit d’un concept nouveau qui montre un passage dynamique : de l’efficacité à l’efficience.
En effet, pour résumer l’efficience intègre : le jugement du médecin, le jugement du patient, l’efficacité et la tolérance/sécurité d’emploi. Une façon de valider l’impératif aller mieux rapidement, rester mieux plus longtemps. Dans le domaine de la schizophrénie, l’efficience consiste à :
- agir sur les symptômes productifs et l’angoisse psychotique,
- atteindre l’efficacité optimale en conservant une bonne tolérance,
- agir sur les symptômes déficitaires,
- prévenir la rechute.
Pour Charles Siegfried Peretti, il s’agit de « l’un des concepts les plus récents dans le domaine de l’évaluation des bénéfices et des risques des nouveaux traitements antipsychotiques (…). On pourrait parler de « concept écologique » puisque prenant en compte le patient, sa famille et son entourage, le médecin, les soignants, bref l’écologie environnementale du patient. L’efficience est basée sur le patient, elle se différencie de l’evidence based medecine, qui repose uniquement sur la recherche ; l’efficience est basée sur la pratique. » (4)
Cette notion est des plus importantes, car elle réconcilie chercheurs et cliniciens. En effet, jusqu’à présent, les principaux essais cliniques étaient réalisés sur un échantillonnage de patients assez éloignés de la pratique courante, du fait de la sélection très stricte due aux critères d’inclusion et d’exclusion. Ce qui faisait que les patients ainsi sélectionnés se rencontraient très rarement dans l’exercice de tous les jours et donnait au psychiatre de terrain l’impression qu’il y avait deux mondes séparés, voire impénétrables : celui de la recherche et celui de la pratique. Les résultats de la recherche étant peu utilisables tels quels dans la vie quotidienne. D’autant que les effets signalés par les prescripteurs après la mise sur le marché du médicament surprenaient les chercheurs qui avaient participé à l’élaboration de la nouvelle molécule.
La notion d’efficience recentre tous les acteurs dans l’intérêt du patient, mis au centre de l’organisation des soins. Ce qui nous rapproche de la réalité clinique dans ses aspects multidimensionnels intégrant, comme nous l’avons déjà dit, l’impression du patient, de sa famille et de son entourage, le constat du médecin, la tolérance et la sécurité, l’efficacité pharmacodynamique.
Il semble bien qu’un nouvel index thérapeutique plus global et plus sophistiqué soit né. Il n’intègre pas seulement le rapport bénéfices escomptés/risques prévisibles (ou effets recherchés/effets secondaires).
Une méthodologie compliquée
Il s’agit d’une étude randomisée, contrôlée, un peu compliquée en 3 phases :
Les schizophrènes, des patients difficiles à suivre
Une surveillance somatique nécessaire
À l’inclusion, 13 % des patients présentaient un diabète, soit 4 fois plus que le taux retrouvé dans la population générale,
Au cours du suivi, 41 % des patients ont présenté un syndrome métabolique (portant essentiellement sur le poids et les triglycérides). Il convient donc d’insister sur l’intérêt de peser le patient, de mesurer son tour de taille et sa pression artérielle, et, en cas de facteurs de risque particuliers (antécédents familiaux, tabagisme, âge par exemple) d’entreprendre un bilan lipidique (triglycérides) et à un bilan d’hyperglycémie incluant bien sûr une glycémie à jeun mais aussi le dosage de l’hémoglobine glyquée, voire un E.C.G.
Un grand nombre de patients ont arrêté leur traitement en raison d’une prise de poids, et/ou de problèmes métaboliques, caractérisés par une augmentation de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), de la cholestérolémie ou des triglycérides.
Des différences notables
Lorsqu’on intègre la tolérance, les résultats révèlent des différences notables :
- l’olanzapine est supérieure en termes de durée de traitement, mais on constate une prise de poids plus fréquente. D’où l’intérêt d’un programme de prévention et d’éducation du patient sous olanzapine ;
- la ziprasidone est mieux tolérée en termes de prise de poids ou de syndrome extrapyramidal ;
- la perphénazine est responsable d’effets extrapyramidaux ;
- l’olanzapine est à l’origine d’effets secondaires de type métabolique, sans retentissement clinique immédiat.
- on constate une augmentation de la prolactine sous rispéridone.
Tableau 1 : C.A.T.I.E., sélection des patients
Tableau 2 : 5 groupes parallèles
Tableau 3 : Arrêt par manque d’efficacité/par décision du patient
L’olanzapine est le traitement le plus efficace en termes d’efficience.
L’efficacité du neuroleptique classique est comparable à celle de la quétiapine, rispéridone et ziprasidone.
L’olanzapine est associée à une prise de poids et une augmentation des marqueurs glucidiques et lipidiques.
Bibliographie
1. Lieberman J.A., Stroup T.S, Mc Evoy J.P. et al. New England Journal of Medicine, September 22, 2005, Vol. 353, N° 12, pp 1209-24.
2. Stroup T.S. et al. Schizophrenia Bulletin, 29, 1, 2003, 15-31.
3. Tiihonen J. et al. British Medical Journal, 2/07/2006, pp 1-6.
4. La Lettre du Psychiatre, e-journal en direct du 159th A.P.A. (21 au 23 mai 2006).